COP28 à Dubaï : face aux promesses en trompe-l’œil, une jeunesse africaine méfiante

Alors que quelques organisations humanitaires se mobilisent en direction de la corne de l’Afrique autour du Kenya, de la Somalie et de l’Ethiopie pour faire face aux inondations, se tient aux Emirats arabes unis, et jusqu’au 12 décembre, la COP28. C’est au pays du pétrole que les dirigeants mondiaux discutent de l’avenir des populations vulnérables. À cette occasion, et même si elle est toujours en mauvaise posture dans ce type de sommets, la jeunesse africaine porte un message clair : “Nous ne voulons plus des promesses en trompe-l’œil!”

Dès le premier jour de la COP28, une première annonce fait jubiler les délégations africaines dans la salle plénière. Cependant, sachant que les éditions précédentes n’ont pas engendré de retombées exceptionnelles à cause notamment des promesses non tenues, que valent les annonces de cette COP28 ? Est-ce que le choix du pays hôte ne dit pas tout sur la portée de cette COP ? Quelle place pour la jeunesse africaine ? Pourquoi faut-il se méfier de la multiplication des annonces de Dubaï ? Décryptons ensemble.

Un pays hôte qui fait grincer des dents et une jeunesse africaine à l’écart

La 28e conférence des parties sur le climat est organisée cette année à Dubaï, capitale des Emirats Arabes Unies. Il s’agit de l’une des COP les plus contestée de ces dernières années. 

Pays de consommation de masse, où les habitants ont une empreinte carbone qui montre clairement que le climat est le dernier de leur souci, le choix de l’Arabie Saoudite n’a jamais fait l’unanimité. 

Dans ce pays, la consommation d’eau est par exemple quatre fois supérieure à la moyenne mondiale, les paysages urbains sont dans la démesure : îles artificielles, plages artificielles, la plus grande tour du monde, des lumières et usines partout à l’heure de la sobriété énergétique.

Ainsi, avec un niveau de vie d’une abondance insolente, les Émirats arabes unis cumulent presque tous les modes de consommation et de production qui sont à la base du réchauffement climatique dans les pays africains. 

Les quelques jeunes africains qui participent à ce rendez-vous peuvent se dire que c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Ces jeunes arrivent comme un chien dans un jeu de quille.

D’ailleurs, comme lors des éditions précédentes, un constat qu’on peut émettre c’est l’absence de visibilité de la jeunesse africaine à ce sommet et notamment à la table des discussions.

Mais contre toute attente, une victoire pour les pays vulnérables !

Premier jour, première grande annonce de la COP28. Un fonds qui va servir à réparer des catastrophes climatiques a été adopté. Bonne nouvelle mais tout porte à croire qu’il faut rester mesuré dans la jubilation. N’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ? Où en est-on avec le premier fonds de Copenhague ? 

Il y a 14 ans un premier fonds était adopté à Copenhague pour financer l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de l’usage des énergies fossiles au Sud. Ce fonds prévoyait en outre 100 milliards de dollars en direction des pays vulnérables. Toutefois, les engagements de ce fonds n’ont jamais été respectés par les pays développés.

L’année dernière à la COP27, le principe d’un fonds d’urgence a été signé en Egypte pour réparer les torts causés aux pays vulnérables sans trop entrer dans les détails. C’est ce fonds qui vient d’être adopté avec beaucoup d’aspects qui ne rassurent pas les pays vulnérables. 

Par exemple, ce fonds sera logé à la Banque mondiale où les pays riches ont plus de pouvoir que les pays vulnérables concernés. Intervient également dans ce fonds la fameuse logique non contraignante.

On parle de contributions volontaires. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que si chacun peut mettre ce qu’il veut, le risque d’un Copenhague Bis et donc d’une coquille vide est grand. Il faudra d’ailleurs rester très attentif sur la composition du comité de gouvernance qui sera mis en place d’ici quelques mois.

Encore un accord non contraignant sur les énergies fossiles

Responsables du réchauffement climatique, le pétrole fait partie, avec le charbon et le gaz, des sources d’énergie fossiles dont il faut se passer pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle. Une trajectoire qui parait utopique au regard des modes de vie actuels. Or sans cet effort, les sécheresses, la montée des eaux, les inondations et autres catastrophes continueront de faire des ravages en Afrique. 

A cet effet, tournons les regards vers le sultan Al Jaber, astre du développement des activités pétrolières dans son pays et président de la COP28. 

Sii plusieurs organisations non gouvernementales et plusieurs personnalités s’insurgent contre la présidence de la COP28 de Dubaï, c’est surtout parce que le sultan Al Jaber est une figure doublement controversée. Directeur de la principale entreprise pétrolière des Emirats arabes unis, il est aussi fondateur de Masdar, géant des énergies renouvelables. Il n’aurait donc pas de mal à plancher d’un côté comme de l’autre. Il n’a par ailleurs pas trop d’intérêt à ce que l’industrie pétrolière baisse ses activités comme le recommandent les scientifiques.

Finalement, les craintes des observateurs se confirment à la COP28 avec l’annonce d’un engagement non contraignant d’une centaine de pays à tripler les investissements dans les énergies renouvelables d’ici 2030. À première vue il s’agit d’une bonne nouvelle.

On peut s’imaginer que cela contribuera à s’éloigner des énergies fossiles mais il ne faut pas être distrait. Plus de pétrole dilué dans un peu d’énergie renouvelable ne fait pas de mal au lucratif business du pétrole, d’où le travail acharné pour rendre cet accord NON CONTRAIGNANT. 

Qui a cru que le but des pétroliers était d’engager une véritable transition énergétique telle que le suggèrent les scientifiques ? La transition peut attendre.

Et pourtant les promesses en trompe-l’œil handicapent l’avenir des jeunes

Les fausses promesses alourdissent les effets du réchauffement climatique. Ce poids lourd empêche les pays africains d’offrir de meilleures perspectives à leur jeunesse. 

Ces pays subissent des retards de développement en raison de la pollution engendrée majoritairement par les pays développés depuis la révolution industrielle jusqu’à la fin du XXe siècle et s’endettent pour s’adapter.

Les inondations en Libye et au Congo, les manifestations de la montée des eaux en Côte d’Ivoire et les évènements extrêmes dans la corne de l’Afrique ont par ailleurs montré cette année l’ampleur de notre vulnérabilité en cas de catastrophes climatiques. 

Des populations obligées de quitter leurs terres, des perspectives économiques brouillées, des coûts économiques qui auraient pu financer d’autres projets de développement. C’est cela la réalité du réchauffement climatique dans les pays du Sud. Pendant que d’autres se gavent et balancent des fausses solutions à la COP, d’autres en bavent au quotidien à l’autre bout du monde.

L’Afrique n’est pas historiquement responsable du réchauffement actuel mais en subit le plus les conséquences. J’aime à le rappeler, quand on parle des conséquences du réchauffement en Afrique, on parle d’abord de jeunes dont l’avenir est handicapé. Cette jeunesse qui n’est jamais correctement mise en avant lors de ces sommets est la première à être touchée par les effets des demi-mesures lors des COP.

Tous ces jeunes qui fuient aujourd’hui le continent au péril de leur vie sont pour beaucoup d’entre eux des victimes du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique renforce les vulnérabilités environnementales notamment dans les zones côtières, les zones rurales agricoles, dans les zones à faible potentialités économiques etc. 

La migration est finalement une forme d’adaptation au réchauffement climatique. Car quand on manque de perspective chez soi, tout ce qu’il reste à faire c’est de fuir. La crise écologique, à force d’inaction, devient ainsi humanitaire. Il y a urgence à agir ! 

Yves-Landry Kouamé

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